24.1.07

Rencontre... #3

- Je ne suis pas sûr de bien te suivre. Tu peux me répéter ça encore une fois?" la voix de Nori avait des résonances métalliques très prononcées dans les aigus. Mais c'était après tout bien normal avec un faisceau si faible et à une si grande distance de la source.
Phil soupira bruyamment. Décidément ce job à l'origine tout simple prenait un tour pour le moins inattendu.
- Ok, mais c'est bien parce que c'est toi. Ca n'est pas très compliqué en fait. Tu me demande d'aller à la périphérie te chercher un certain paquet. Je me tape la route, je rencontre ton pote, qui, je me permets quand même de te le faire remarquer est un gars au demeurant assez louche. Ton pote me file le truc et je me re-tape la route pour te ramener ton paquet. Je fais le convoyeur quoi, comme d'hab. "
- Ben oui mon Philou, comme d'hab. Je vois vraiment pas où ça coince."
Le visage de son vis-à-vis reproduit à la perfection affichait un sourire pincé de circonstance, la mauvaise fois pixelisée en trois dimensions, parfaite.
- Là où ça coince mon colon c'est qu'à peine sorti de la porte de transfert, la douane me tombe dessus aussi sec. Là où ça coince c'est que contrairement à la routine habituelle, mes codes déplombés ne les ont pas trompés. Qu'avant que j'ai eu le temps de dire ouf, ces empaffés m'encadraient sur leur console de tir et m'envoyaient une semonce carabinée."
- Tu as toujours le paquet au moins?"
- Je suis en train de t'expliquer que ta combine foireuse a failli me coûter la peau et toi tu t'inquiète pour ton foutu paquet!" fulmina t'il à l'attention de l'hollophone. "ça n'a pas été évident mais j'ai réussi à les semer... enfin j'espère."
- Je suis heureux que tu t'en sois tiré mon Philou, mais le paquet?" l'autre insistait.
- Tu peux arrêter de te faire du mouron, je l'ai ton paquet."
- Ah, je savais que je pouvais te faire confiance." le soulagement de Nori était évident.
- Mais...
- Quoi "mais"? Il n'est pas abîmé au moins?"
- Non pas du tout, mais..."
- Ecoute Phil si le paquet est endommagé, je préfère que tu me le dises tout de suite."
- Tu vas arrêter de m'interrompre tout le temps Nori! Ton paquet va bien, il est intact, sanglé bien au chaud à fond de cale. Ce que j'essaye de dire c'est que ça va te coûter plus cher que prévu."

22.1.07

Rencontre... #2

Le jour s'était levé sur un Bren complètement abattu. La nuit avait été longue, trop longue. Bren, épuisé avait été repris au petit matin. Il avait réussi à tenir ses poursuivants à distance jusqu'aux premières heures de l'aube. Triste consolation.

Il gisait, fourbu, dans la geôle qu'il avait quitté la veille au soir. Le nez dans le foin moisi qui lui servait de couche il flottait dans un demi-sommeil proche de la torpeur.
Tout ça n'avait aucun sens. C'était, la troisième fois qu'on laissait la porte de sa prison ouverte. La troisième fois qu'il tentait sa chance. La troisième fois qu'ils le reprenaient et le ramenaient là. Bren commençait à douter de la réalité de ce qu'il vivait. Il était proche du précipice bienfaiteur de la folie pure. L'oubli de la raison et de ses tourments dans le non-sens total et complet.
Un raclement sur le sol de pierre lui fit lever la tête. Une écuelle de bois avait glissé dans un coin de la pièce obscure. Bren suivi des yeux le chemin emprunté par sa pitance depuis la porte. Son regard buta sur une paire de bottes. Il remonta le long d'un pantalon de cuir usé, passa sur le justaucorps pourpre et se fixa sur le visage. La lumière tremblotante de la lanterne fixée au plafond masquait d'ombres dansantes la face du geôlier. Un nez cassé, apparemment plus d'une fois, dépassait de cet îlot de noirceur. De part et d'autre de l'appendice nasal la luminosité inégale révélait l'éclat d'un regard fixé sur lui. Le geôlier le regardait avec détachement, comme si Bren n'était qu'un animal, le sujet d'une étude distraite.
L'homme émit un grognement et hocha la tête en direction de l'assiette en bois. Bren ne fit pas un mouvement se contentant de rendre son regard à l'incarnation de son malheur. Cette dernière grogna à nouveau et agita un bras vers l'écuelle. Bren ne réagit pas continuant de fixer l'homme. Le geôlier fit un pas en avant, s'accroupit et ramassa le récipient. Il se redressa, porta l'assiette à sa bouche et sortant la langue mima un chien lapant sa pitance. Il sourit, dévoilant une dentition pleine de vide et recommença sa pantomime, s'esclaffant de plus belle.
Bren était trop atterré pour répondre d'une manière ou d'une autre. L'arrivée de ce nouveau personnage dans son drame personnel le laissait pantois.
Un clown, un pitre, le fou du roi gesticulant et culbutant avec le tintement de ses clochettes n'aurait pas suscité plus d'effet dans l'esprit dévasté de Bren.
L'homme voyant le peu de réaction de son public arrêta son manège. L'hilarité quitta son visage, ses lèvres se pincèrent en une moue déçue et d'un geste aussi brusque que soudain il lança l'écuelle sur Bren. Elle manqua son visage de peu, l'éclaboussant de son contenu. Le geôlier fit volte face et quitta la pièce en claquant la porte derrière lui.
Bren, lui, n'avait toujours pas esquissé le moindre mouvement.
Il oscillait, au bord du gouffre béant du désespoir.

9.1.07

Rencontre... #1

La journée se termina aussi étrangement qu'elle avait commencé.
Alice avait vogué de surprise en surprise.
Avant de se décider à rentrer dans le bureau de Durand elle avait pris le temps de peser le pour et le contre. Cette entrevue mettait un terme à des mois d'intenses réflexions. Quand elle avait franchi la porte et s'était assise en face du bureaucrate, ses idées étaient bien arrêtées. Elle allait démissionner et quitter ce poste qu'elle avait mis tant d'année à atteindre.
Mais Durand avait réussi à la faire douter du bien-fondé de sa décision. Se pourrait-il qu'elle ait sa place dans une institution comme Europol ?
Après tout, il semblait bien que oui. Carmain pouvait aller se faire foutre.

Ses talons résonnaient sur le ciment peint en vert. L'écho de ses pas se répercutait dans l'espace dégagé du parking souterrain. Les néons nappaient d'une lueur austère les niches entre les colonnes de béton armé. Les carrosseries reflétaient stoïquement cette blancheur artificielle.
Alice se dirigeait vers sa voiture, une Mini Cooper d'un rouge rutilant, quand elle s'arrêta soudain. Son dernier pas résonna encore un instant, puis fit place au silence bourdonnant de la machinerie du sous-sol.
- Vous semblez surprise de me voir Garcia. C'est pourtant naturel après votre entrevue avec Durand." la voix d'Olivier Carmain évoquait un cours d'eau souterrain. Pas le genre de rivière calme et tranquille au bord de laquelle on se prélasse au soleil. Plutôt un torrent sournois traversé de remous violents. Il se tenait devant la voiture d'Alice. Négligemment appuyé contre un pilier de béton. Il poursuivit sur le même ton.
- Vous savez Garcia, vous ne me plaisez pas vraiment. Je crois que vous l'avez bien compris. Néanmoins..."
- Néanmoins vous m'avez évalué positivement. Assez bonne pour le terrain." trancha Alice.
- Effectivement, mais avant que vous ne sabriez le champagne avec votre copine, je tenais à vous précisez une chose."
- Ecoutez Carmain, que vous ne m'appréciez pas est une chose, professionnellement je peux à la limite le comprendre. Mais que vous vous immisciez dans ma vie privée, ça je ne peux l'accepter." sa voix montait dans les aigus, Alice s'en voulut de dévoiler ainsi sa nervosité.
- Tout doux Garcia, tout doux. Je ne viens pas vous chercher querelle, ou même vous harceler." Carmain regarda autour de lui, comme s'il découvrait l'endroit : "Ici ? Dans le parking ?" Un sourire affleura sur son visage. "Non, pas de panique ma petite."
- Je ne panique pas, et vous ne me faites pas peur. Ma journée est terminée, nous reprendrons cette conversation demain, dans votre bureau." Elle se remit en marche, passant devant la silhouette massive de Carmain elle se dirigea vers la portière côté conducteur de son véhicule.
Ce dernier la suivit et continua :
- Il ne sera pas nécessaire de continuer cette conversation demain Garcia. Je termine. Demain vous entrerez dans le service actif, sur le terrain. Demain vous devrez assumer le fait que des collègues comptent sur vous pour couvrir leurs arrières. Si vous merdez Garcia, je ne serai pas loin. Si vous vous plantez, comptez sur moi pour vous ruiner votre si belle carrière. Ne vous méprenez pas sur mes intentions, je ne suis pas le macho sexiste que vous croyez voir en moi. J'ai une équipe à mener. Des comptes à rendre en haut lieu. Jusqu'ici le service tourne comme une machine bien huilée. Ne vous avisez pas d'être le grain de sable qui la grippera."
- Vous avez fini votre speech ?" Alice ouvrit la portière et se mit au volant. Elle allait la fermer quand Carmain la retint fermement.
- Un dernière chose à propos de votre vie privée à laquelle vous tenez tant. Je n'en ai rien à cirer. Et vous feriez mieux de vous y faire. A partir de demain votre boulot passe avant votre vie privée. Si ça ne vous plait pas vous feriez mieux de revoir votre CV et de prendre un rendez-vous avec Durand."
Il referma la porte et lui fit un petit signe de la main, son sourire moqueur s'épanouissant sur son visage.
Alice mit le contact et démarra. La Cooper répondit au quart de tour et s'élança vers la sortie.

5.1.07

Au commencement... #5

L'obscurité, plus noire que la nuit.

Lorsque Mia s'éveilla, elle fut aussitôt assaillie par un flux dense d'informations brutes.
Assommée par la masse de données elle resta longtemps incapable de la moindre action cohérente.
Puis elle repris le contrôle de ses sens. Un à un.
D'abord le bruit de fond du haut-débit diminua. Il fit place à un charivari de bruit blanc entrecoupé d'un grésillement aigu sur lequel résonnaient une floppée de bip désordonnés.
Ensuite elle ressentit un picotement constant sur l'ensemble de son corps. Une nuée de fourmis envahissait ses terminaisons nerveuses les titillant sans cesse.
Une saveur métallique, rouillée se répandit dans son palais en même temps qu'une chaleur diffuse irradiait dans son aine.
Enfin l'obscurité perdit de son intensité. Des épingles de lumière vive constellaient son champ de vision. Les points lumineux se rejoignirent en traits qui se colorèrent, du bleu, du rouge, du jaune. Les traits colorés se rencontrèrent, créant des carrefours oranges, violets ou verts. Les friches obscures restantes se rétractèrent laissant les nuances binaires rencontrer les primaires jusqu'à recouvrir l'ensemble du spectre.

Mia avait du mal à suivre. Elle n'arrivait pas à s'expliquer ce que ses sens lui révélaient.
Son esprit comprenait les éléments épars, mais n'arrivait pas à reconstituer le tableau final. Elle fit un effort pour se souvenir de ce qui l'avait amené à cet instant. Mais à sa grande stupeur, rien. Le blanc total. Elle ne se souvenait de rien. Elle réalisa que la seule chose qu'elle savait c'était ce qu'elle vivait actuellement. Les expériences les plus anciennes qu'elle pu trouver dans sa mémoire remontaient à son récent réveil. Son passé se résumait à ce présent qui la dépassait.
Elle fit un effort pour apaiser la panique qui l'envahissait et s'appliqua à analyser ce qui l'environnait.