22.1.07

Rencontre... #2

Le jour s'était levé sur un Bren complètement abattu. La nuit avait été longue, trop longue. Bren, épuisé avait été repris au petit matin. Il avait réussi à tenir ses poursuivants à distance jusqu'aux premières heures de l'aube. Triste consolation.

Il gisait, fourbu, dans la geôle qu'il avait quitté la veille au soir. Le nez dans le foin moisi qui lui servait de couche il flottait dans un demi-sommeil proche de la torpeur.
Tout ça n'avait aucun sens. C'était, la troisième fois qu'on laissait la porte de sa prison ouverte. La troisième fois qu'il tentait sa chance. La troisième fois qu'ils le reprenaient et le ramenaient là. Bren commençait à douter de la réalité de ce qu'il vivait. Il était proche du précipice bienfaiteur de la folie pure. L'oubli de la raison et de ses tourments dans le non-sens total et complet.
Un raclement sur le sol de pierre lui fit lever la tête. Une écuelle de bois avait glissé dans un coin de la pièce obscure. Bren suivi des yeux le chemin emprunté par sa pitance depuis la porte. Son regard buta sur une paire de bottes. Il remonta le long d'un pantalon de cuir usé, passa sur le justaucorps pourpre et se fixa sur le visage. La lumière tremblotante de la lanterne fixée au plafond masquait d'ombres dansantes la face du geôlier. Un nez cassé, apparemment plus d'une fois, dépassait de cet îlot de noirceur. De part et d'autre de l'appendice nasal la luminosité inégale révélait l'éclat d'un regard fixé sur lui. Le geôlier le regardait avec détachement, comme si Bren n'était qu'un animal, le sujet d'une étude distraite.
L'homme émit un grognement et hocha la tête en direction de l'assiette en bois. Bren ne fit pas un mouvement se contentant de rendre son regard à l'incarnation de son malheur. Cette dernière grogna à nouveau et agita un bras vers l'écuelle. Bren ne réagit pas continuant de fixer l'homme. Le geôlier fit un pas en avant, s'accroupit et ramassa le récipient. Il se redressa, porta l'assiette à sa bouche et sortant la langue mima un chien lapant sa pitance. Il sourit, dévoilant une dentition pleine de vide et recommença sa pantomime, s'esclaffant de plus belle.
Bren était trop atterré pour répondre d'une manière ou d'une autre. L'arrivée de ce nouveau personnage dans son drame personnel le laissait pantois.
Un clown, un pitre, le fou du roi gesticulant et culbutant avec le tintement de ses clochettes n'aurait pas suscité plus d'effet dans l'esprit dévasté de Bren.
L'homme voyant le peu de réaction de son public arrêta son manège. L'hilarité quitta son visage, ses lèvres se pincèrent en une moue déçue et d'un geste aussi brusque que soudain il lança l'écuelle sur Bren. Elle manqua son visage de peu, l'éclaboussant de son contenu. Le geôlier fit volte face et quitta la pièce en claquant la porte derrière lui.
Bren, lui, n'avait toujours pas esquissé le moindre mouvement.
Il oscillait, au bord du gouffre béant du désespoir.