13.12.06

Au commencement... #4

La lumière miroitait sous les rayons ardents de l'heure la plus chaude de la journée.
Les ombres des bâtiments ravagés étaient courtes, à peine existantes. Des volutes de fumée noire s'élevaient paresseusement de-ci de-là, derniers vestiges de véhicules trop lents pour les tireurs embusqués.

Allan se fit tout petit derrière le pan de mur.
Il essuya ses mains moites de sueur sur son treillis et serra les poings sur son arme. Il essaya d'estimer le nombre de coups tirés de part et d'autre.
"Voyons: une rafale par-ci, un coup par-là, un roulé-boulé, une rafale, un bond en arrière, un arrosage généreux et un sprint jusqu'ici." Pendant l'échange il avait fait de son mieux pour suivre et compter les détonations mais maintenant il avait un doute. Et il n'aimait pas la sensation qui découlait de ce doute. Un crispement des muscles, un noeud dans les tripes, une boule dans la gorge. Il avait les foies et il avait horreur de ça. La peur pouvait être une alliée si on arrivait à la refiler à ses adversaires, mais quand elle vous tombait dessus, les choses se compliquaient dangereusement.
Allan retint sa respiration et tendit l'oreille, à l'affut du moindre bruit. A part le grondement de la canonnade et le staccato d'armes automatique au loin, rien qui se détachât de ce fond sonore dans son environnement proche. Il déglutit difficilement et fit son possible pour écarter la peur à grand coup de pensées positives:
"Bon jusqu'ici tu t'en es plutôt bien tiré, y a pas de raison que ça change. Respire un bon coup. T'es le meilleur de toutes manières, c'est pas deux ou trois blanc-becs qui vont te coincer. Pas vrai?" ... "Je m'en suis plutôt bien tiré? Mieux que le reste de l'équipe en tous cas. Le meilleur? Ouais y a pas à dire, mais alors comment je me retrouve dans cette situation merdique! Deux ou trois blanc-becs, deux ou TROIS? Putain de merde!"
Allan s'ébroua mentalement. Cette dispute intérieure n'allait pas faire avancer les choses. Il fallait agir. Se bouger de là, trouver les méchants et leur régler leur ardoise vite-fait bien-fait. Proprement.
"Ok on va faire ça comme à la parade."
Il fit coulisser la culasse de son arme et vérifia qu'une balle y était bien engagée. "Déjà une bonne chose." Il lança une pierre le plus loin possible dans les gravas sur sa droite. Un déluge d'acier en tir croisé réduisit la zone d'atterrissage de la pierre en menu gravier.
"Pas malin ça mes deux amis. Maintenant tonton Allan sait où vous trouver!"
Il se ramassa sur lui même et se prépara à bondir hors de sa cachette. Au moment où il déclenchait le mouvement et s'élançait, un relent de peur lui revint en pleine face :
"Et le troisième?"